Nous avons constaté depuis le mois de juin, et particulièrement lors de cette rentrée, une intensification des publicités sur les réseaux sociaux autour des formations de Licence et Master. Le problème est que ces annonces reposent souvent sur des promesses trompeuses, parfois gravement exagérées. C’est pourquoi nous allons aborder aujourd’hui ce sujet sensible.
Au Maroc, la question de la reconnaissance des diplômes devient de plus en plus préoccupante. De nombreuses écoles privées, mais aussi certains établissements publics, affichent des formations en Licence ou Master présentées comme « internationales », « américaines », « canadiennes » ou encore « françaises ». Derrière ces slogans séduisants, la reconnaissance réelle est pourtant souvent limitée, voire inexistante.
1. La reconnaissance nationale : une étape obligatoire
Un diplôme n’a de valeur officielle que s’il est reconnu par le ministère de l’Enseignement supérieur. Celui-ci publie régulièrement la liste des établissements et filières accrédités (liste officielle ENSUP) (le Cas pour les écoles / université Privé).
- Reconnaissance nationale : c’est l’étape la plus forte. Elle est donnée par le ministère de l’Enseignement supérieur et garantit que le diplôme est officiellement valide et ouvre droit à l’équivalence.
- Accréditation : ce n’est pas une reconnaissance du diplôme. C’est seulement une autorisation d’ouvrir une filière pour une durée limitée (généralement trois ans ou cinq ans). Et attention:
- Une filière accréditée ne garantit pas automatiquement que le diplôme final sera reconnu si l’accréditation n’est pas renouvelée ou validée à temps.
- L’accréditation doit être accordée par le ministère + validée par l’université mère.
- Si la filière est accréditée uniquement par l’université sans validation ministérielle, le diplôme n’a pas la valeur d’un diplôme d’État. Il garde au mieux une valeur de formation académique (apprentissage personnel) mais pas une vraie valeur de recrutement ni d’équivalence officielle.
2. Exemples crédibles
- EMSI, IGA, SUPTECHNOLOGY, UIR, UIC : reconnues par l’État, elles offrent des doubles diplômes avec des partenaires sérieux, certains accrédités à l’international.
- Université Mohammed VI des Sciences de la Santé et Université Abulcasis : institutions semi-publiques avec partenariats internationaux solides.
3. Exemples flous
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ENSI, IT Learning Academy ou MegaCampus annoncent parfois des « Licences », « Masters » ou même des « Diplômes d’État français ». Cependant, aucune preuve officielle ne confirme une reconnaissance par les ministères étrangers concernés. Dans la majorité des cas, il s’agit plutôt de certificats privés ou de diplômes d’établissement délivrés via des conventions, qui n’ont pas la valeur académique d’une Licence ou d’un Master national. Autrement dit, ce sont au mieux des attestations de formation interne ou des certificats d’école, mais certainement pas des diplômes d’État reconnus. À noter qu’à l’ENSI, seules deux ou trois filières bénéficient effectivement d’une reconnaissance, tandis que le reste correspond à des diplômes d’établissement. Les informations communiquées sur leur site restent très floues et peuvent induire en erreur.
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À Kénitra et Casablanca, certaines structures publiques comme l’ENSA ou l’EST (Université Ibn Tofaïl) et ENSEM à de Casablanca proposent des formations (souvent appelé Licence d’université Spécialisée, Master d’université Spécialisé / Professionnel ou Diplôme Des Études supérieur Spécialisé) mais parfois directement une Licence Pro, à des tarifs relativement accessibles entre 18 000 DH /an et 35000 /an . Ces programmes peuvent être intéressants pour approfondir ses connaissances. Toutefois, la qualité pédagogique reste fréquemment en deçà des standards de l’enseignement supérieur. Dans les faits, ces formations ressemblent davantage à une source de revenus supplémentaires pour l’université ou l’école qu’à de véritables cursus académiques de haut niveau 👉 Exemple de programme ENSA Kénitra , ENSEM Casablanca ⚠️ Les diplômes délivrés sont uniquement accrédités par l’université mais non reconnus officiellement par le ministère de l’Enseignement supérieur. Cela ne signifie aucune équivalence officielle, aucun accès garanti aux véritables cycles d’ingénieur ou masters nationaux, ni reconnaissance académique fiable à l’international.
- Exemple de publicité :
4. Pourquoi cette confusion ?
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Les établissements privés emploient souvent des termes tels que « diplôme international » ou « double diplomation ». Dans la pratique, cela renvoie fréquemment à des certifications professionnelles comme Six Sigma, Microsoft Azure ou AWS. Ces certifications sont certes reconnues à l’international, mais elles ne sont en aucun cas équivalentes à un diplôme national (DEUST, Licence, Master), que ce soit au Maroc ou à l’étranger. Leur valeur reste essentiellement professionnelle, avec un coût moyen d’environ 180 $ par certification, alors qu’une Licence ou un Master représente un investissement minimal de 20 000 DH.
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Par ailleurs, certaines écoles privées, mais aussi quelques universités publiques — comme celle de Kénitra — semblent accorder une priorité à l’aspect financier, parfois au détriment de la valeur académique réelle. Dans le secteur public, la forte demande conduit également à l’ouverture de filières en formation continue avant même l’obtention d’une accréditation officielle (Ministère + Université). Or, il faut rappeler qu’une accréditation délivrée uniquement par l’université n’est pas suffisante : dans ce cas, le diplôme est considéré comme un simple diplôme d’université. Concrètement, cela signifie qu’il n’ouvre pas droit aux équivalences, ni à la poursuite d’études supérieures (Master ou Doctorat), ni à une reconnaissance officielle sur le marché du travail. Enfin, il est important de rappeler que la reconnaissance internationale n’est jamais automatique. Chaque pays applique ses propres règles d’équivalence. En revanche, les diplômes nationaux marocains dûment reconnus bénéficient de passerelles établies, notamment au Canada et en France.
5. Comment se protéger ?
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Pour éviter les mauvaises surprises, voici les points à contrôler avant de s’engager :
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Vérifier la reconnaissance officielle :
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S’assurer que l’établissement et la filière précise figurent dans la liste officielle publiée par le ministère de l’Enseignement supérieur (ENSUP).
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Exiger une preuve écrite :
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Demander un bulletin officiel, un décret ministériel ou tout document attestant la reconnaissance nationale du diplôme.
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National ≠ Local même si un diplôme universitaire :
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Vérifier que le diplôme est bien un diplôme national reconnu par l’État, et éviter les diplômes dits « locaux » (accrédités uniquement par l’université). Ces derniers n’ont qu’une valeur limitée de formation et pas de poids réel pour le recrutement ou l’équivalence.
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Privilégier la formation initiale :
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Opter pour une formation initiale en temps aménagé plutôt qu’une simple formation continue diplômante. Beaucoup de diplômes issus de la formation continue n’ont aucune valeur officielle sur le marché.
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Doubles diplômes : vigilance :
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En cas de double diplôme, vérifier que le partenaire étranger est réellement habilité par son propre ministère de tutelle et que le diplôme étranger est un diplôme d’État et non un simple certificat d’établissement ou un titre RNCP.
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À retenir
Un diplôme reconnu par l’État reste la seule garantie solide pour envisager une mobilité internationale. Travailler au Canada, aux États-Unis, en Europe ou dans les pays du Golfe nécessite presque toujours une validation via les plateformes officielles d’équivalence comme ENIC-NARIC.
Tout le reste, accréditations provisoires, partenariats privés ou mentions “internationales” peut offrir une formation intéressante et parfois utile dans le milieu professionnel, mais cela ne constitue pas une assurance de débouchés officiels. La vigilance est donc indispensable pour éviter de transformer plusieurs années d’études en un simple certificat de participation.
Et si vous avez déjà choisi un diplôme non reconnu (souvent appelé Licence d’université Spécialisée, Master d’université Spécialisé / Professionnel ou Diplôme Des Études supérieur Spécialisé), il existe des alternatives pour augmenter sa valeur :
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Passer des certifications internationales reconnues comme Six Sigma, PMP, Microsoft Azure ou AWS, TOGAF, ISO, SAFE,
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Dans certains domaines spécialisés comme l’aéronautique ou la logistique, suivre des programmes de certification (IATA Cargo & Logistics Certifications, APICS CSCP (Certified Supply Chain Professional), EASA Part-66 (Aircraft Maintenance License – AML)….) via des centres agréés au Maroc permet aussi de renforcer votre profil et de compenser partiellement la faiblesse académique du diplôme initial.
Ces démarches ne transforment pas un diplôme local en diplôme national, mais elles permettent de rehausser votre employabilité et d’ajouter une réelle valeur professionnelle reconnue à l’international.
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